La participation des communautés autochtones au sein de la gestion par bassins versants : une perspective des défis géopolitiques de l’approvisionnement en eau potable

Créé par Alexandre Dumais-Dubé | | Numéro 17, Automne 2019

L’intégration des savoirs traditionnels autochtones est désormais considérée comme une pratique décisive lors d’évaluation environnementale des ressources naturelles au Canada. Toutefois, la participation des communautés autochtones relève, à ce jour, de nombreux enjeux géopolitiques en matière de gouvernance de l’eau.

Lors de sa dernière campagne électorale, le gouvernement libéral de Justin Trudeau s’était engagé à fournir de l’eau potable à toutes les communautés autochtones du Canada d’ici 2021. Toutefois, l’accès à une eau de qualité demeure une préoccupation majeure et de plus en plus urgente. Au moment d’écrire ces lignes, 57 communautés autochtones sont affectées par un avis d’ébullition ou de non-consommation d’eau. Parmi celles-ci, 21 de ces avis dureraient depuis plus de 10 années (1). D’ailleurs, l’Organisation des Nations unies aurait identifié une corrélation proposant que les groupes ethniques ayant une identité autochtone aient un accès plus limité à l’eau de façon globale et seraient rarement impliqués en tant que collaborateurs dans des discussions significatives sur les politiques de l’eau (2).

Pourtant, la littérature scientifique a démontré à plusieurs reprises la nécessité d’adopter une approche intégrée afin de contrer « la nature traditionnellement fragmentée de la responsabilité de gestion sur les terres et les ressources en eaux » (3, p.371). Or, les frontières juridictionnelles se chevauchent souvent, mais elles coïncident rarement avec les limites écologiques du territoire visé, une gestion coordonnée de cette ressource entre les différentes parties prenantes est alors impérative.

En dépit des nouvelles connaissances acquises sur les enjeux sociaux associés à l’eau au cours des dernières années (4), les récentes initiatives du gouvernement fédéral ne reconnaissent pas les organismes de bassins versants comme un moyen efficace d’améliorer la qualité de l’eau potable, et donc, d’éliminer les avis d’ébullition d’eau. En effet, les communautés autochtones relèvent de la compétence fédérale en vertu de la Loi sur les Indiens, qui stipule que les réserves et les fonds fiduciaires sont gérés exclusivement par le gouvernement fédéral. Conséquemment, en dépit de la mise en application des lois provinciales sur la qualité de l’eau potable (GIRE), celles-ci demeureraient sans effet pour la majorité des communautés autochtones. Par conséquent, l’absence d’une loi (fédérale) sur la qualité de l’eau, à l’échelle canadienne, occasionnerait un faible niveau de gouvernance locale des ressources hydriques dans les réserves indiennes.

Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons à savoir pourquoi il est aussi fréquent que certaines communautés autochtones du Canada soient confrontées à un problème d’approvisionnement en eau potable. Somme toute, cette ressource ne demeure-t-elle pas relativement fréquente et accessible au pays?

Pour ce faire, plusieurs méthodes ont été mobilisées. Parmi celles-ci, une revue de la littérature scientifique et l’analyse du discours de documents légaux, textes de loi et de publications gouvernementales ont été en principale importance. Par la suite, des entretiens semi-dirigés et des focus-groupes ont été organisés avec des acteurs des communautés visées afin de mieux caractériser l’amplitude de la problématique.

À priori, certaines communautés autochtones percevraient les cadres provinciaux comme une abrogation à leurs droits inhérents à l’autodétermination, à leurs droits ancestraux ou à leurs traités et choisissent de ne pas participer dans les comités de bassins versants. Alors que d’autres communautés sont géographiquement exclues des organisations de protection par bassins hydrographiques désignées. D’ailleurs, le comité spécial sur l’autonomie politique des Indiens affirma que « le Gouvernement fédéral a reconnu officiellement que les peuples autochtones ont leurs propres formes légitimes d’institutions politiques » (5). Parmi celle-ci, le Miyupimeastissiun ou le Mino-Pimatisiwin (en langue Anishnabeg) sont tous deux des concepts du bien-être communautaire qui peuvent prendre une place importante dans le processus décisionnel par l’intégration d’acteurs non étatiques ou politiques.

De plus, certaines autorités gouvernementales, provinciales et régionales ne peuvent contenir leurs malaises lorsqu’il est temps de négocier des ententes de collaboration ou de participation. Principalement en raison du jeu de paliers gouvernementaux régissant les compétences relatives à la GIRE. Il faut ajouter que les négociations de la gestion des ressources s’incorporent dans un contexte politique de revendication territoriale des territoires ancestraux, où les instances provinciales partagent souvent un sentiment d’exclusion lors de ces négociations.

Par conséquent, l’objectif de cette recherche est d’identifier les facteurs et conditions qui seraient susceptibles d’affecter l’accès à une eau de qualité dans le cadre légal et administratif des communautés autochtones. En somme, l’identification de ces facteurs pourrait servir à conceptualiser une gestion plus inclusive des ressources en eau, tout en favorisant une participation des acteurs et parties prenantes quant à la gestion de celles-ci dans un contexte d’institutionnalisation des pouvoirs locaux.

Élément visuel : Conseil des Atikamekw de Opitciwan, 2013


Références :

(1) Santé Canada et Services aux Autochtones Canada, 2019. Lever les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable [en ligne]. www.sac-isc.gc.ca/fra/1506514143353/1533317130660 [consulté en juillet 2019].
(2) Rizvi, Zehra et Adamowski, Jan (2013) First Nation capacity in Québec to practise integrated water resources management. Department of Bioresource Engineering, McGill University, International Journal of Water, 7 (3) 161-190.
(3) Tollefson, C. et Wipond, K, (1998) Cumulative environmental impacts and aboriginal rights, Environmental Impact Assessment Review, 18 (4) 371-390.
(4) Canada, Environment and Sustainable Development (2005) Commissioner of the Environment and Sustainable Development: Chapter 5 Drinking Water in First Nations Communities, Office of the Auditor General of Canada, 2005, Ottawa.
(5) Canada, Moss, W. et Gardner-O’Toole, E. (1987) Les Autochtones: historique des lois discriminatoires à leur endroit, Division du droit et du gouvernement, Novembre 1987 (révisé en novembre 1991).


* Auteur :

Alexandre Dumais-Dubé, maîtrise en sciences géographiques avec mémoire, direction : Nathalie Gravel

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